J'ai assisté mercredi 17 avril au premier colloque sur le Nouveau Vivre ensemble et l'internet de proximité, à l'occasion du lancement d'un ouvrage Le nouveau Vivre ensemble, ( éditions Descartes & Cie, 2009) rédigé par Charles BERDUGO, porteur du projet de réseau social de proximité ma-residence.fr et livrant à travers cet ouvrage un véritable plaidoyer en faveur du lien social et la nécessité de réinventer les formes de vivre ensemble aujourd'hui. Le débat animé par Jean-François Rabilloud (journaliste à LCI) réunissait aussi Atanase PERFIAN ("La fêtes des voisins" et "Immeubles en fêtes", voisinsolidaires.fr, c'est lui !) , Guillaume ERNER, sociologue et professeur à Sc Po, Laurent MARUANI, économiste et professeur à HEC...Il a été beaucoup question de la réalité du lien social aujourd'hui dans les villes et comment celui-ci se désagrège et en quoi les nouvelles technologies de l'information pouvaient le "réinitaliser". J'ai retenu plusieurs idées fortes :
1. Précarisation du lien social
- "Le vivre -ensemble va moins en soi", nous sommes dans une société de défiance et individualiste avec un réflexe au repli sur soi. Le nombre d'associations en France n'augmentent pas contrairement au reste de l'Europe, tandis que 90 % des associations françaises sont des associations orientées conso, la part des associations d'entre-aide et d'action collectives faiblissant.
- On est passé d'un lien d'appartenance à un lien de processus, de service: conséquence, l'entretien de ce lien a un coût.
- La durée moyenne des liens sociaux se raccourcit sur toutes les sphères de socialité : emploi, couple, amis, résidence, ... Bref, "la relation à l'autre est tout sauf durable".
2.Émergence de nouveaux comportements, la crise comme catalyseur de changement
- La crise peut accélérer le changement en favorisant les initiatives locales dopées par un esprit web 2.0 ( logique participative, maillage des relations d'individus entre eux, co-créativité) lequel peut inspirer une autre façon de vivre ensemble, de partager et se ré approprier le local sur les différentes échelles de vie du quotidien sédentaire : le quartier, la rue, l'immeuble, la résidence.
- Le succès des nouvelles formes de socialité sur l'environnement de proximité via lesquels les habitants réinvestissent leurs lieux publics de vie en actions, en vécus partagés, en émotions, en rencontres, en projets tout en préservant les sphères intimes ou individuelles. Je pense à l' engouement pour les fêtes de quartier, je pense aux fameuses flash mobs, aux différentes fêtes locales (fêtes des jardins, vide-greniers, etc...).
- Un comportement d'achat qui "s'écologise ": l'acte d'achat s'allonge dans la durée et se localise : on prend le temps, on se concerte, voire même on prête pour ne pas dire on troque, on fait soi-même . Allons nous vers une sorte d'économie locale de recyclage ?
3.Des nouveaux réseaux social digitaux à l'échelle du quartier, de l'immeuble, du proche quotidien
- Les réseaux sociaux de proximité tels que peuplade.fr, Voisineo.fr et Ma residence.fr , voisinssolidaires.fr s'inscrivent dans cette dynamique et parient sur le potentiel des nouveaux modèles de relation de proximité sédentaires.
- A l'inverse des réseaux sociaux plus classiques de type facebook, myspace où l'individu gère son personal branding le plus souvent derrière un avatar, on remarque que les individus qui s'inscrivent dans les réseaux sociaux de proximité utilisent plus aisément leur véritable identité. C'est un signal fort d'implication dans le réel où l'usage du virtuel n'a d'autres fins que d'améliorer, faciliter, augmenter l'usage du réel de proximité et de se représenter à visage découvert . Et le grand intérêt de ces nouveaux services on line de proximité est de fournir simplement des outils pour agir localement et permettre à l'individu d'augmenter sa capacité individuelle à participer au collectif local.
4.Pour activer et dynamiser un écosystème relationnel de proximité
- Enfin, c'est permettre une interactivité concrète et vivante entre des acteurs locaux qui de part leur statut, structure, temporalité, ne communiquaient pas ou mal, voire pas du tout. Ces réseaux sociaux de proximité sont donc un moyen simple et immédiat de connexion et mise en relation d'un écosystème local d'acteurs entre eux : syndic, commerçants, bailleur social, élus, prometteurs, entreprises, résidents... "Un écosystème de la proximité qui interagit pour créer du lien social" pour reprendre Charles Berdugo.
5.Des freins à la mise en place de ces réseaux sociaux de proximité ?
- Atteindre une masse critique locale (le seuil de "20 000 habitants par ville" a été évoqué ?) pour gagner en efficience
- Faire évoluer les mentalités même si les comportements d'implication participative et la culture 2.0 sont des signaux favorables à ce changement de mentalités. Le web 2.0 traduit une prise de conscience que tout un chacun peut agir sur son environnement (cf le fameux consomm'acteur). Il est vrai que certains acteurs de l'écosystème de proximité sont culturellement moins enclins à cette approche...
- Le risque de la surexposition et la perte de contrôle de sa réputation locale (personal branding local)
- La sécurité des données et le respect de la confidentialité: cela suppose donc des CGU optimales garantissant les droits des membres de ces réseaux
- Le risque que la technologie soit pensée avant les usages alors que ce sont les usages qui sont à inventer, la technologie venant s'y greffer et y apporter fluidité et efficacité. Tout reste à inventer, à tester, à observer.
En conclusion, un débat passionnant, l'envie de décortiquer ce livre . J'émettrais juste une remarque : les réseaux sociaux de proximité ne peuvent se limiter à une vision sédentaire mais s'ouvrir aussi à une vision repère du lieu d'habitation ."Mon chez moi" ou "mon immeuble "sont un repère plus qu'un lieu sédentaire. Penser donc ce réseau social on line de proximité comme superposé de couches fonctionnelles ouvertes permettant de rendre mon immeuble et ma communauté de voisins comme un tout communicant hic & nunc, à distance, "everyware" partout où je suis. Certes j'y vis, mais j'y vis autour et surtout j'en viens et y retourne " .
Il y a une dimension "ubiquitaire", "infomobile" et de trajectoires à associer entre tous ces points d'ancrage et de passage dans les lieux du réel qui jalonnent nos chemins quotidiens ; ce qui suppose une infosphère inter-connectée des lieux de chacun ( vision que j'aborderai dans un prochain billet).
Pour finir, une petite vidéo de présentation de ma-residence.fr:
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